Cyril Rool : « Je ne suis pas qu'un boucher »

33 ANS, Cyril Rool effectue une saison pleine avec Nice. A quarante-huit heures des retrouvailles avec Monaco, son ancien club (2001-2002), pour le derby azuréen, il dresse un état des lieux du football français. Fleuri et décapant.

- Que represente ce derby pour vous ?

Gagner nous conforterait dans les dix premiers. Il est trop tôt pour parler d'Europe. Après la galère de l'an passé, on prend du plaisir. Quand tu joues le maintien, les aléas sont défavorables. Si tu n'as pas les capacités mentales, tu doutes et traînes ça comme un boulet.

- Pouvez-vous faire mal à Monaco, qui joue le maintien ?

Un gros va tomber. Avec cinq points d'avance sur la relégation, le plus dur est fait pour eux. Je n'ai pas envie de voir Monaco en L2. Mais ce qui s'y passe est un gâchis car il y a du talent.

« La Ligue 1 est plus faible qu'avant »

- Quel est votre regard sur ce club ?

Excepté à Lyon, en France on a l'habitude de laisser partir la moitié des joueurs après une belle saison. Monaco n'a pas dérogé à la règle après sa finale de Ligue des champions en 2004. D'où la
difficulté de travailler dans la continuité. Il y a eu aussi beaucoup d'entraîneurs, un manque de stabilité. Là-bas, il n'y a pas d'ambiance. Il est dur de se surpasser. Et les joueurs n'ont pas la culture du maintien.

- A titre personnel, vous vivez une saison pleine ?

Personne ne m'a imposé de reculer latéral. C'est mon choix. Et je me régale. A Lens, j'ai disputé la C1 à ce poste. Pourtant, en août, peu y croyaient. Car, aujourd'hui, si on ne va pas vite ou haut, on ne sert à rien. Mais moi, je sais faire une passe et un centre. Et ça, ça n'existe plus trop. Si je suis titulaire en L1 depuis quinze ans, c'est que je ne suis pas qu'un boucher. Et puis, les arbitres me connaissent, je suis plus posé et connais mieux le métier.

- Comment est-il ce metier ?

Il a beaucoup évolué. Si tu parles trop fort, tu déranges. Les joueurs sortent du même moule. C'est dommage. Je préfère un groupe vivant comme à Nice, où ça pète parfois, que jouer à côté de « morts». Certains clubs ne pensent qu'à l'image. Des entraîneurs préfèrent un joueur bidon qui se tait à un bon joueur plus « casse c…». Si j'étais entraîneur, ce serait l'inverse.

- Reste-t-il des bons joueurs en France ?

J'aime beaucoup Valbuena, Benzema, Koné, Nasri ou Squillaci. Ben Arfa, à 20 ans, est un magicien. Lloris et Mandanda ont peu d'équivalents en Europe à leur âge. Pourtant la L1 est plus faible qu'avant. Je ne suis pas devenu un phénomène. Or, je souffrais plus mais je prenais plus mon pied face à Rai, Ginola, Mostovoï, Dugarry ou Zidane. Là, je m'ennuie dans certains stades.

- Il vous reste un an de contrat. Serez-vous toujours à Nice la saison prochaine ?

Je reste compétiteur, capable d'apporter quelque chose. On me dit : les jeunes poussent. Mais un jeune doit me marcher sur la tête pour prendre ma place. On est quelques-uns — Echouafni, Laslandes, Balmont et moi — à attendre pour connaître notre futur. Attendre quoi ? La dernière journée ? On a passé l'âge ! Je ne ferai pas le «mange m…». Si Nice veut me prolonger, OK. Sinon, je vais voir ailleurs. Echouafni, notre capitaine, est en fin de contrat. Que les dirigeants le voient ! Milan ne s'est jamais comporté ainsi avec Costacurta ou Maldini.

Propos recueillis par Christophe Belleudi
Le Parisien