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La politique du coup de poing

L'Equipe, le 22/05/2003 à 22h31

En France, des mouvements d'extrême droite encouragent le hooligalisme comme vectuer de recrutement et de rapprochement.

En partageant avec les supporters ultras leur passion pour le football, les militants de la Jeunesse identitaire propagent leurs idées et récupèrent des adhérents. Les bagarres restent toujours l'occasion de nouer des liens solides. Et, bien au-delà des matches, de les entretenir à des fins politiques. Aujourd'hui, nous concluons notre enquête dans cet univers souterrain, mais de moins en moins marginalisé.

CE NOUVEAU FAIT DIVERS avait scandalisé et avait été perçu comme une provocation de plus. Alors que Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur, avait repris en main le dossier du hooliganisme dans le football et s'apprêtait à faire passer un amendement sur la sécurité dans les stades et autour, avant de se rendre au match de Coupe de France entre PSG et OM (2-1 a.p.), un supporter parisien recevait un coup de couteau à l'abdomen lors d'une bagarre à Nice-PSG (22 janvier, 0-0).

Un mois plus tard, le tribunal correctionnel de Nice condamnait un supporter parisien à deux mois de prison avec sursis, 400 euros d'amende et une interdiction de stade pour s'être introduit sans billet et avoir cassé la mâchoire d'un spectateur niçois. Un autre était relaxé faute de preuve alors qu'il s'en était pris aux forces de l'ordre. L'auteur du coup de couteau sur un membre des Gavroches de Paris (modérés de Boulogne) n'avait pas pu être identifié.

« Mais la veille du match, on trinquait avec des commandos pirates de Paris, interdits de stade, expliquent plusieurs supporters de Brigade Sud de Nice. C'està ce moment qu'on a décidé qu'on se foutrait sur la gueule pour les couleurs. Une baston à mains nues. C'était drôle parce que dès le début, un gars interdit de stade parisien, un ancien de Boulogne, est allé directement frapper un CRS. Jamais on n'auraitplanté un supporter parisien. En fait, c'est un pizzaiolo qui avait peur pour sa vitrine et est sorti avec un couteau. »

« C'est le conflit ouvert avec les Parisiens, ceux d'Auteuil, mais pas de Boulogne, déclare Franck un supporter de la BSN, sympathisant du Bloc identitaire, mouvement politique né après la dissolution d'Unité radicale. Quand Marseille vient au stade du Ray, les Parisiens viennent nous aider. À Bort-aux, au match aller, ils étaient encore avecnous. A 200, on a traversé la ville pour aller jusqu'au local des supporters bordelais, des Rouges (NDLR : les communistes) jumelés avec certains Stéphanois. »

« Nos idées nous relient les uns aux autres, mais le foot peut prendre le dessus »

En écoutant ces conversations, les militants identitaires n'ont pas besoin d'en rajouter sauf pour souligner le lien entre le sport et l'action politique: « A notre dernière réunion en décembre à Lyon, les Stéphanois ont hésité à venir nous soutenir. Ils étaient minoritaires et avaient peur de tomber sur les Lyonnais. Nos idées nous relient les uns aux autres mais le foot peut prendre le dessus. »

Si pour les Niçois les relations avec les Stéphanois sont parfois ambiguës, elles se clarifient avec d'autres groupes notamment en Ligue 1 et dans des zones géographiques où l'extrême droite a progressé aux dernières élections (Nord et Est), où également le sentiment régionaliste se manifeste fortement. Seule la Bretagne, déjà mature sur la question de sa culture, et le grand Ouest en général semblent échapper à toute emprise politique initiée parles Identitaires.

« On défend les peuples historiques de l'Europe, la Bretagne - qu'on aimerait bien sensibiliser-, l'Occitanie, l'Alsace, le Pays basque, la Corse, le Comté de Nice souligne Fabrice Robert, le président du Bloc identitaire et ancien porte-parole d'Unité radicale. ll ya une civilisation et une tradition à défendre. Quand on voit, ici, les supporters chanter en niçois l'hymne niçois et porter des tee-shir„ts ou des banderoles à la gloire de Garibaldi ou de Segurane (1), c'est excellent pour nous. On accompagne le développement de cette fibre identitaire sans prendre de directives précises. On est là, y compris lors des déplacements. C'est un vivier évident pour nous. Mais on n'est pas les seuls à politiser les stades (2). »

Fabrice Robert approfondit les mécanismes qui créent ce rapprochement : «Aujourd'hui, nous vivons une époque individualiste, dans une société atomisée, sans repère. Les supporters, qui ont entre seize et vingt-cinq ans et ont reçu pour la plupart une formation manuelle, recherchent un clan. En défendant leurs couleurs, ils veulent défendre leur ville, leur région, leur identité. Entourés par leurs frères de combats, ils se sentent protégés. Le "système" donne des moyens d'exister mais pas des raisons de vivre. Alors rien de tel que de se retrouver le week-end. » Sur son site, où elle recommande un forum apolitique, la BSN, qui possède sa propre section à Paris (BSN Parigi) n'admet qu'une amitié avec les Dogues Virage Est (DVE) de Lille. Les Identitaires, eux, revendiquent en plus des liens avec les Boys de Paris, les Gones de Lyon, les Red Tigers de Lens, les Ultraboys à Strasbourg.

Marseille n'entre surtout pas dans cette liste et bénéficie d'un traitement spécial. Il existe toujours une bonne raison de faire front ensemble même si les uns défendent un idéal politique et les autres une cause sportive. « On ne porte pas Marseille dans nos coeurs, disent les premiers. C'est une ville cosmopolite, qui renie son passé. On ne verra jamais une référence à l'héritage grec dans les tribunes. »

En revanche, à Nice, comme à Paris et Lyon, la croix celtique apparaît régulièrement. La dernière fois, c'était lors du match Nice-Guingamp et, de façon inattendue, à l'initiative d'une poignée de jeunes de quatorze-quinze ans de la tribune nord. « Vous voyez, cela se fait tout seul, fait remarquer Madric, militant davantage rangé aujourd'hui après un passé skin. On a quand même repris ces jeunes après pour leur demander d'être plus discrets. » Pas la peine de semer le trouble inutilement ou de risquer d'être marginalisé. Le club s'est officiellement offusqué...

« Depuis trois ou quatre ans, on n'entendait plus parler politique mais avec le retour en Ligue 1 et la médiatisation, la croix celtique est aussi revenue, commente François Fougeron, un responsable du Club des supporters (CDS) le plus grand groupe (1 500 adhérents) où l'oii retrouve quelques anciens de la BSN. Mais c'est pas la peine d'en faire une montagne. Qu'ils montrent Che Guevara ou la croix celtique, du moment qu'ils aiment le club on s'en fout. Mais je m'opposerai fermement à toute tentative de manipulation de la part d'un groupe politique. »

« Que les mecs se battent, affrontent la police et fassent même de la prison, c'est une bonne formation. On les récupère aguerris. »

En accord avec l'idéologie défendue par Fabrice Robert et ses amis - ce qui tend à prouver, si besoin était, que la BSN n'a pas le monopole sur Nice (ville dirigée par Jacques Peyrat, un ancien FN élu sous l'étiquette RPR) des bonnes relations avec les extrémistes - il sait très bien que les méthodes d'approches ont changé et que le glissement idéologique se fait aujourd'hui en douceur.

« De toute façon, dans une ville qui vote à 30% Front National, la croix celtique a plus de chance d'être tolérée", conclut-il.

Une immersion dans la tribune sud apporte un lot de nouvelles "tolérances". Le tout sous l'oeil des stadiers qui sont des anciens de la BSN. Dans cette espace reservé aux adhérents acceptables, plutôt blancs, (comme le Kop de boulogne), entre deux pogos (furieuses bousculades héritées des années 80) on y chante effectivement en niçois, on tend les bras devant, en abaissant rapidement le gauche « pour être plus proche de la réalité » - c'est-àdire du salut nazi -, on regarde très peu le match, on crache sur les photographes ou le gardien, et on pousse des cris de singes dès qu'un joueur noir, même s'il est niçois, touche le ballon...

« Tant qu'il se soumet à Nice et à la "nissartitude ", fait son travail de pro, de mercenaire, en trempant le maillot, ce n'est pas gênant », explique « Le Poulpe », un supporter non militant politique, par ailleurs soucieux de contribuer à la réputation redoutable de la BSN, revenue au-devant de la scène cette saison. Question de plaisir, de suprématie et de fierté.

La direction générale de la police a enregistré en 2002 une augmentation de 30 % du hooliganisme, « sans que les chiffres soient extravagants ». Au nombre d'exactions, Nice arrive en bonne position avec Lille et Lyon, derrière Bordeaux, Marseille et Paris.

« En allant à Sochaux pourle match, raconte avec fierté Alexandre, un jeune BSN qui n'affiche plus son look skin, on s'est arrêté spontanément à Montbéliard pour une ratonnade en règle. C'était pas difficile d'en trouver il n'y a que çà là-bas. » « Quand je vois un stade vouloir vivre et que les hommes ne demandent qu'à libérer leurs instincts... » s'enthousiasme Fabrice Robert. « De toute façon, que les mecs se battent, affrontent la police et fassent même de la prison, c'est une bonne formation, se réjouit Madric. On les récupère aguerris. »

Le 27 avril dernier, militants et supporters avaient ainsi préparé leur descente coup de poing à Cagnessur-Mer qui recevait, en CFA 2, un vieil ennemi des Niçois : Toulon. L'affrontement a été violent. « Des hooligans niçois au stade de Cagnes », a titré à la une le lendemain Nice Matin. La BSN, dont l'un des responsables a été mis en examen suite à des incidents survenus pendant Nice-Marseille en novembre dernier, a osé nié toute participation. Et dire que Toulon va rejoindre la réserve de Nice en CFA la saison prochaine...

Lors de ces batailles rangées, quelques participants portent le sweat « diabolik » « réservé à certains membres » sur le site Internet de la BSN. Noir, il permet en remontant une simple glissière et une capuche de ne plus laisser voir que les yeux. Il vient tout droit de Turin. C'est l'habit de combat des supporters du Torino, notamment des Ragazzi della Maratona, avec lesquels les membres de la BSN se sont liés d'amitié. Le 23 février dernier, ces supporters reconnus fascistes avaient saccagé le Stadio Delle Alpi et interrompu le match contre le Milan AC. Les références à Nice sont italiennes.
A ce propos, le stade idéal, pour Fabrice Robert, ressemblerait « à celui de la Lazio de Rome où on n'hésite pas à développer un discours plus politique avec diffusion de messages très directs et les symboles des régions devant les caméras de TV. Et pourquoi pas sur le terrain une équipe du comté de Nice face à des Bretons » ? Puis il ajoute : « Mais Mohammed , même français, ne brandira pas un drapeau niçois ou breton. »

Ainsi tourne la planète foot, en France, vue de ce côté de la lorgnette. Rien de visible, de défini vraiment ou de transparent dans cette actualité qui n'est pas seulement rythmée par les matches, mais qu'il ne faudrait pas pour autant sousestimer.

(1) : Giuseppe Garibaldi (1807-1882), niçois, s'est indigné quand le comté de Nice fut annexé à la France en 1860. Catherine Segurane symbolise la résistance niçoise contre les envahisseurs turcs alliés à François 1 er en 1543.

(2) : Fabrice Robert fait référence aux quelques groupuscules extrémistes de gauche ou de droite, moins bien structurés, mais présents parmi les supporters dans les stades de France.

Le match Nice-Paris (0-0) du 22 janvier avait dégénéré en bagarre, faisant un blessé grave : « C'était une belle bagarre comme on aimerait en voir plus souvent, réglo des deux côtés », déclare le président de la BSN.
« Les Parisiens ont compris qu'on n'était pas des chiens et des gitans armés. »

La Brigade Sud réagit


Le président des supporters de la Brigade Sud de Nice (BSN) a voulu clarifier la position de son groupe après la parution du premier volet de l'enquête: « La Brigade sudn'a aucun rapport, ni de près ni de loin, avec un quelconque groupement d'extrême droite ou d'extrême gauche. De tels rapprochements sont une insulte aux jeunes issus des quartiers populaires qui ont créé le groupe... et une offense aux nombreux joueurs de couleur qui composent notre équipe et au président de notre club, M. Maurice Cohen, avec qui nous entretenons d'excellents rapports... Il n'y a aucune discrimination au sein de la BSN. Les meneurs de groupes extrémistes (Unité radicale, MNR et autres) n'ont jamais eu et n'auront jamais l'honneur de la participation des responsables de la Brigade Sud pour quelques actions que ce soit. »
En complément de ce communiqué et en prenant connaissancedu deuxième volet, le président de la BSN nous a précisé au téléphone : « La BSN est apolitique. Si l'influence de groupes extrémistes devait s'avérer et prendre de l'ampleur, ils dégageraient du stade du Ray. Mais s'ils pensent qu'ils peuvent recruter, ça les regarde. À Sochaux, il est aberrant de parler de ratonnade. ll y a eu une bagarre avec en majorité des "gris" (des Maghrébins). À propos de Cagnes-sur-Mer, la BSN n'a jamais donné de mot d'ordre pour aller là-bas. Mais chacun fait ce qu'il veut. » Enfin, la librairie Le Paillon fait savoir qu'elle demeure indépendante de toute structure politique, et le restaurant L'Olympic qu'il n'exerce aucune discrimination envers sa clientèle etqu'il n'est lié à aucun groupe extrémiste.

Marc CHEVRIER
Jeudi 22 mai 2003
© L'Equipe






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Nice - Lorient : 3-0





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Pts J V N D Diff
 3.    Monaco 52 28 15 7 6 +15
 4.    Lille 49 28 13 10 5 +17
 5.    Nice 47 29 13 8 8 +9
 6.    Lens 43 29 12 7 10 +6
 7.    Lyon 41 29 12 5 12 -7



   26e  sam. 16/03 (21h) Lens - Nice : 1 - 3
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   31e  dim. 28/04 (15h) Strasbourg - Nice
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