Petit match entre amis

Trois points séparent les Niçois (8e) des Girondins (11e), mais tant de liens, passés ou récents, les unissent...

« ON EST CHEZ NOUS. » Gernot Rohr reçoit en propriétaire de l'Hôtel des Pins, situé à Cap-Ferret, dans le bassin d'Arcachon. Il montre le feu dans la cheminée, au-dessus de laquelle a été accroché un tableau figurant une partie de football. « Ça, c'est mon grand-père, Oscar Rohr. On le voit tirer le penalty qui a donné le titre 1932 (*) au Bayern Munich... » Dans la salle de restaurant, une partie des tables a été réquisitionnée par les kinés. Car, depuis mercredi, les Niçois ont pris possession de l'établissement, sans luxe mais débordant de charme.

« Nous venons ici le plus souvent possible, explique Gernot Rohr, car l'environnement y est exceptionnel. Il y a la plage, la dune, la forêt de pins, l'air iodé de l'Atlantique... A Nice, nous n'avons pas ça, on se heurte vite à la montagne dès qu'on tourne le dos à la mer... » Ainsi, la saison dernière, l'OGC Nice était venu préparer ici, avec son succès, son déplacement à... Monaco (1-0). « On est aussi venus avant le match contre le Paris-SG (0-0) cette saison », précise l'entraîneur. Alors, hors saison touristique, il était inconcevable que les Niçois ne descendent pas à Cap-Ferret avant d'affronter Bordeaux au stade Chaban-Delmas.

Rohr, candidat aux élections régionales ce week-end, a joué douze ans aux Girondins avant d'y être entraîneur pendant neuf ans (centre de formation, CFA et équipe première). En vingt et un ans, il a fait et refait sa vie au bord du Bassin, et il savoure donc particulièrement les rencontres face à son ancien club, auquel il a failli intenter un procès en 1998, l'année de leur séparation. Mais l'entraîneur n'est pas le seul Niçois pour qui jouer à Bordeaux constitue un événement spécial.

Il y a d'abord Lilian Laslandes, l'attaquant champion de France en 1999, qui, après ce titre, n'a pas quitté les Girondins dans les meilleurs termes. Bordelais de naissance, il jouera lui aussi à domicile, ce soir, avant de recevoir ses coéquipiers dans son établissement « Le Café Pop», près de la place de la... Victoire. L'an dernier, alors qu'il jouait pour Bastia, le public de « Chaban » l'avait ovationné, même s'il avait marqué un but à son ancien coéquipier Ulrich Ramé. Rohr aussi avait eu droit aux vivats du public bordelais, après son expulsion du banc pour avoir protesté vivement contre un hors-jeu annulant l'ouverture du score par les Niçois. « La suite avait été moins heureuse (4-0 pour Bordeaux), se souvient l'entraîneur. On en avait pris quatre et ce match avait përmis aux Girondins de se relancer... »

Un esprit revanchard cultivé
Le Brésilien Everson n'a pas oublié non plus cet incident. C'est à Bordeaux qu'il a découvert l'Europe, au début de la saison 1996-97. Guy Stéphan entraînait l'équipe première, Rohr la CFA. Il n'a pas convaincu le premier mais il a tapé dans l'oeil du second, qui ne l'a jamais perdu de vue. Après quelques années d'errance, le nouvel entraîneur niçois l'a repêché en D 3 allemande pour le faire signer à Nice. « Gernot m'a invité dans son hôtel, ici-même, raconte-t-il, il m'a convaincu. Bordeaux ? Oui,
c'est un match que j'ai plus envie de gagner que les autres », sourit le milieu de terrain gaucher, illustrant lui aussi l'esprit « revanchard » que l'entraîneur se plaît à cultiver dans son groupe.

Enfin, voici le défenseur Anthony Soubervie, classe 1984, qui fera, pour la deuxième fois de la saison, son apparition sur le banc niçois. Il est né en Guyane mais a grandi à Mérignac avant de débuter en poussins aux Girondins : « Avec mon père ou ma mère, on passait prendre Rio (Mavuba) pour l'emmener aux entraînements. Après, j'ai aussi joué avec Marouane (Chamakh)... » La progression de ses amis lui fait plaisir. Lui, après deux sélections en équipe de France des moins de 15 ans, a dû les abandonner : « En moins de 17 ans, les Girondins ne m'ont pas proposé de contrat aspirant. Contrairementà l'OGC Nice... » Pour ce soir, il n'a qu'un souci : « Lilian a pris toutes les invitations, moi, je n'en ai eu que
quatre; mais c'est normal, je suis petit... »
Petit comme Nice, ainsi que se plaît à le rappeler Rohr, qui avoue une grande satisfaction de devancer les Girondins. Le « quatrième ou cinquième budget », estime-t-il.

(*) : Le premier des dix-huit titres de champion du club allemand.

CHRISTIAN JAURENA
L'équipe