Le plan de Puel

Il le crie haut et fort depuis des semaines : l’OGC Nice n’est pas armé pour viser la Ligue des Champions… cette saison. Car Claude Puel n’est pas venu au Gym pour assurer le maintien. Dans ce cas d’ailleurs, il ne serait pas venu.

- On ne vous le souhaite pas, mais une victoire dimanche pourrait vous placer sur le podium à 8 journées de la fin, alors pourquoi refuser d’en parler ?

Il n’y a qu’à voir notre dernière prestation contre St Etienne (NDLR : défaite 4-0 le 2 Mars), un concurrent direct s’il faut le concevoir ainsi. Il y a aussi notre match à Nancy, dernier du classement, qui a fait une belle partie mais contre qui on aurait pu penser être bien classé en cas de résultat. A chaque fois, il nous manquait une approche mentale en adéquation pour jouer les premiers rôles. Je pense qu’on a déjà beaucoup donné depuis le début, mais dans le money time, il faut de la maturité, de la sérénité, ne pas s’enflammer par rapport à tout ce qui pourrait être dit dans les médias ou autres. Il y a pas mal d’attente autour de cette équipe et il faut savoir l’assumer, ce que n’ont pas prouvé nos dernières prestations. Après, il reste neuf matches et il faut finir de la meilleure des façons.

- Il y a quand même pas mal d’intox dans vos propos…

On peut le prendre comme on veut, mais c’est déjà très, très bien ce qui a été réalisé jusque là. Bien sûr qu’on veut bien finir, mais quand on regarde les effectifs des équipes avec qui nous nous battons... Rappelons que depuis plusieurs semaines, notre équipe roule sur les jantes. Nous avons eu de nombreux blessés, et pas des moindres. Il a fallu faire appel à beaucoup de joueurs et de jeunes. Alors c’est bien, parce que ça donne à ceux-là du temps de jeu et de l’expérience, mais quand on joue à St Etienne, qui a un effectif complet, mature et un banc de qualité, il y a une énorme différence. On nous a présentés comme favoris quand nous avons joué là-bas. Il faut donc garder les choses en perspectives et ne pas en demander trop à mon équipe.

- 15eme à l’aller, 5e aujourd’hui. Le 2-2 au Vélodrome a-t-il été un déclic pour votre équipe ?

Pas vraiment puisque partout où nous étions passés, je pense notamment à Bordeaux où nous avions fait nul, aucune équipe n’avait pris un gros ascendant sur nous. On faisait des matches de qualité contre n’importe qui sans que cela paye, mais ça nous donnait de la confiance. A Marseille, je me rappelle surtout que mon équipe avait été inhibée durant toute la première période. Beaucoup de nos joueurs découvraient le stade Vélodrome devant une belle ambiance. Cela avait été bien de rectifier le tir en deuxième période, au point d’être sur la fin tout près de l’emporter. Ça confirmait nos prestations depuis le début de saison.

- Votre groupe affichait déjà beaucoup de sérénité pour un 15e de Ligue 1...

On était en construction. A l’intersaison, on est resté avec un groupe qui a perdu quinze éléments et en a recruté neuf. Il fallait faire travailler tous ces joueurs, les faire progresser. Je pense qu’à part le premier match contre Ajaccio où on est resté complètement en dedans, chaque match a été de qualité. Ça prouvait qu’on pouvait espérer quelque chose d’intéressant pour le futur. Quand le contenu, l’application et l’attitude des joueurs sont là, ça aide. On donnait peut-être une impression de sérénité, mais on était dans le travail.

« On a eu des résultats plus tôt que prévu »

- Comment expliquer la remontée qui a suivi le nul au Vélodrome ?

Avant cela, on manquait de maturité pour garder des résultats ou être plus décisifs, mais je pensais par expérience que ça finirait par payer à partir de janvier, février. On a finalement eu des résultats plus tôt que prévu, mais ça ne doit pas nous faire envisager ou prendre des choses qui ne sont pas à notre portée. Il nous faut simplement rester cohérents jusqu’à la fin de la saison.

- Mais si on vous avait dit en juillet, qu’en recevant l’OM lors de la 30e journée, vous seriez en mesure de lui prendre la troisième place, vous auriez dit quoi ?

Rien dit du tout car je n’ai pas pour habitude de bruler les étapes. C’est tellement important de rester concentré sur le prochain match, là c’est Marseille, il ne faut pas voir plus loin, rester dans la concentration. Encore une fois, nous avons un groupe très jeune qui apprend sur le terrain, mais aussi à l’extérieur. C’est une équipe qui est maintenant sollicitée médiatiquement, il faut être capable d’y répondre. L’environnement est aussi de plus en plus pressant, en termes de famille, d’agents, d’amis… c’est tout un registre qui est nouveau pour ces joueurs et ils sont en découverte totale. Il y a de quoi être parfois un peu heurté par certaines choses car le chemin est encore long.

- Et si vous avez la possibilité de vous qualifier en Ligue des Champions lors de votre déplacement à Ajaccio lors de la 38e journée, ce sera quand même une bonne nouvelle ?

J’ai dit qu’on ferait le point lors des 5 derniers matches. On n’en est pas encore là et on reste surtout sur une correction à Nancy qui nous a été bien supérieur. Quand on parle d’ambition, il faut être capable de répondre présent à chaque match, ce qui n’a pas été le cas lors de notre dernière prestation.

- Aujourd’hui, quelle est la principale force de votre groupe ?

Un collectif, c’est toute une alchimie, je ne sais pas... Peut-être une certaine fraîcheur avec un groupe qui a envie de travailler et de progresser. Un groupe se juge sur la durée. On verra comment on finit la saison, ce qu’on fera celle d’après... C’est un éternel recommencement.

- Votre effectif présente aussi un bel équilibre entre expérience, jeunes et recrues que vous avez amenées.

Il reste peu de joueurs de l’année dernière. C’est un groupe qui s’est sauvé lors du dernier match sur les trois dernières saisons. Il avait donc beaucoup donné car ce ne sont pas des situations évidentes à vivre. On a gardé des joueurs comme Civelli, Meriem, Digard et d’autres qui avaient vécu tout ça avec parfois, un petit traumatisme. L’idée était de leur donner plus d’ambition, comme celle de se donner les moyens d’aller faire des résultats à l’extérieur si nécessaire. Après, on avait des jeunes qui ne connaissaient pas encore le haut niveau mais avaient envie d’avancer. Il fallait aussi leur donner de l’ambition à travers le jeu qu’on pouvait produire.

« Sans ce stade, je ne serais pas venu »

- En parlant d’ambition, l’OGC Nice sera bientôt doté d’un nouveau stade qui symbolise bien celle du club.

Il était déjà en construction quand j’ai signé ici et c’est pour moi un élément très important car ça matérialisé le projet et l’ambition du club. C’est aussi le projet de la Mairie qui le construit et le mettra à disposition du club. Ça veut dire que tout le monde va dans le même sens. Sans ce stade, je pense sincèrement que je ne serais pas venu à Nice. Je sais ce que ça représente, ne serait-ce que d’envisager la construction d’un nouveau stade. J’ai connu ça à Lille, à Lyon, la différence c’est que celui-ci est quasiment construit puisqu’il sera bientôt livré (NDLR : fin d’été 2013). Le projet avance, avec la construction dans les deux ans d’un nouveau centre d’entraînement et de formation, avec toutes les composantes sur le même site. Il y a un beau projet à venir sur les quatre, cinq ans à venir. On peut aussi remarquer que contrairement aux dernières décennies à Nice, les gens ne s’entredéchirent pas, tout le monde parlent le même langage et va dans le même sens. C’est également très important.

- Quel est votre projet sportif en tant qu’entraîneur ? Faire de Nice un européen régulier ?

J’espère. Mon ambition en arrivant, c’était d’avoir la capacité sur les cinq années à venir de jouer en Europa League et pourquoi pas, d’aller chercher la qualification en Ligue des Champions. Quand je parlais de ça en début de saison, cela a fait sourire, voire rire. Je pense que sans ambition, il est difficile de s’inscrire dans un devenir et de repousser ses limites. Bien sûr, je ne parle pas de cette année mais pour moi, il faut être européen dans les deux, trois ans. C’est aussi comme ça qu’on valorisera notre groupe et le rendra plus mature. Etre sûr la scène européenne, jouer tous les trois jours, tout ça mon équipe ne le connaît pas. Déjà qu’elle ne connaissait pas le championnat, alors l’Europe vous imaginez…

- Puisque vous répétez que la troisième place n’est pas l’enjeu de ce Nice –OM, quel est-il ? Je vous demande en revanche de ne pas employer les fameux « trois points »…

L’enjeu, c’est un beau match. J’aimerais simplement voir mes joueurs jouer comme ils savent le faire, sans se prendre la tête. On sait qu’il faudra faire un gros match alors on ne peut pas se focaliser sur le point à prendre, ce n’est pas ce qui m’importe. Je veux que ce groupe vive pleinement les choses à chaque match. Le plus important est qu’il puisse se concentrer sur le contenu. Ça n’a pas été le cas à Nancy où on a eu une faillite collective à tous les niveaux. Quand on en est là, ça veut dire que l’enjeu a pris le pas sur tout le reste. Voilà pourquoi je dis qu’on n’est pas encore en mesure d’assumer les premiers rôles.

- Dernière tentative pour la route afin de vérifier votre ambition autour du match de dimanche : le nul, vous signez tout de suite ?

Non, un bon match et du bon contenu oui. Qu’on soit capable de donner une belle opposition à l’OM, cela me satisferait car le contenu est source de progrès. Après le résultat…

- Donc si vous perdez 4-3, vous serez content ?

Ceux qui me connaissent savent que je ne serai pas content, mais je serai satisfait pour la suite.

Sébastien Iglésias
OM.net