Antonetti : « Je ne suis pas parano »

L'entraîneur de l'OGC Nice, furieux après la défaite de son équipe à Rennes (1-0), la semaine dernière, a braqué sur lui la fureur des arbitres pour ses paroles sur les «problèmes qui ne s'arrêtent pas à Vintimille», cette petite ville qui fait frontière avec l'Italie, le pays du scandale du Calcio et des arbitres choisis. Après s'être excusé mercredi, Frédéric Antonetti a pris le temps d'expliquer sa position pour l'émission "Match après match" sur L'Equipe TV. Funambule, il dit en substance ceci : Antonetti constate que Nice fait souvent l'objet d'erreurs d'arbitrage défavorables et que cela ne s'équilibre jamais. Cela le révolte, mais il est convaincu de l'honnêteté des directeurs de jeu. Entretien.

- Frédéric Antonetti, vous allez bien ?
Je suis un petit peu contrarié par le fait que nos résultats ne reflètent pas, parfois, le contenu de nos matches. Donc d'où un déficit de points. Et puis, je suis un peu contrarié par tous les événements médiatiques de la semaine.

- Vous êtes-vous calmés depuis samedi ?
On a l'impression que je suis en colère, mais c'est ma façon d'être. Mes joueurs me connaissent et je suis souvent comme ça. Je suis calme, je suis calme...

- Vous vous êtes mis en colère quand même...
Non... Qu'est-ce que vous voulez ? J'ai été loin pour celui qui perçoit. Simplement, je voudrais affiner un petit peu mes propos. J'ai parlé du match de Rennes : le carton rouge de Varrault, OK, pas de problème. Mais vous savez, je vois six matches par semaine. Si pour la même faute, il y a la même sanction, il n'y a rien à dire. Mais je peux vous dire que je vois les mêmes fautes et je vois pas les mêmes sanctions.

- Croyez-vous...
(Il coupe) Je crois rien du tout, je vois ! Je vois ! En plus, je pense que sur le penalty de Monterrubio, il (l'arbitre) se laisse abuser. Certains passent en commission de discipline parce qu'ils ont simulé. Mais je n'ai pas à discuter de ça, je n'ai pas à discuter du match, ou de l'arbitrage de Monsieur Piccirello. Je parle du football en général. Que je dis qu'il y a un conditionnement et qu'il y a influence, tout le monde me fait un procès, comme si j'avais parlé de corruption. J'ai jamais parlé de corruption...

- On peut le déduire...
Non, non, si je veux employer le mot corruption, je vais employer le mot corruption avec des preuves. Mais je n'ai même pas pensé à ça... L'année dernière, depuis que je suis ici, j'ai coaché cinquante-cinq matches. Quatorze fois, il y a eu des erreurs d'arbitrage qui ont influencé le résultat final en défaveur de Nice. Et jamais une fois, il y a eu une erreur d'arbitrage, un hors-jeu non sifflé, ou un penalty qui n'y était pas en notre faveur. Il y en a jamais...

- C'est un constat, ou voulez-vous dire que c'est fait exprès contre Nice ?
C'est un constat. C'est qu'on arbitre différemment. Ce n'est pas Nice, je suis pas parano. Mais à un moment donné, j'en prends conscience. Si vous avez peur quelque part, est-ce que vous êtes pareil ? Si vous avez peur d'une réaction d'un dirigeant influent, peur d'une réaction du public, peur de vous tromper sur un international A qui a une grande notoriété. C'est de ça dont je parle quand je parle d'influence et de conditionnement. De rien d'autre. Et je pense que Nice fait partie des défavorisés. Est-ce que je peux le dire ? Est-ce que j'ai été trop loin ? Oui, j'ai sûrement blessé des gens et je le regrette. Mais comment puis-je m'exprimer, comment faire passer un message en tant qu'entraîneur de l'OGC Nice, club à petits moyens ? On veut exister, on veut progresser tranquillement mais pour cela, il faut dire les choses quand elles arrivent.

- Vous savez que vous risquez d'être sanctionné pour vos propos ?
Pourquoi être sanctionné ? Dîtes moi pourquoi ?

- Cette phrase, même si c'est pas ce que vous voulez dire, ça ne sous-entend pas la même chose pour eux...
Je n'ai pas parlé de corruption. Dans le cas contraire, je peux être sanctionné. Un entraîneur a dit : "on a été volé". Est-ce qu'il doit être sanctionné ?

- C'est pareil.
Oui, mais est-il est sanctionné ? Encore une fois, j'ai simplement dit des choses qui peuvent blesser, pour attirer l'attention. J'ai réussi. Je pense sincèrement que les arbitres sont honnêtes et je ne dis pas ça parce qu'aujourd'hui, je suis la cible. Je le dis sincèrement, je pense qu'ils sont honnêtes. Mais je me sens obligé de monter au créneau. Alors le dire un peu plus modérément... OK. Mais pourquoi une sanction ? Quand un président gueule après un arbitre à la mi-temps devant les caméras, il devrait être sanctionné ou pas ?

- Il devrait.
Alors pourquoi ne l'est-il pas ? Je devrais être le bouc-émissaire sur lequel tout le monde serait d'accord pour amener à se rabibocher ? D'accord ! Si vous voulez, je fais 102 kilos, je suis costaud, alors allez-y, tapez-moi dessus. Mais ça changera rien au problème.

- Mais quelles qu'aient été vos intentions, n'avez-vous pas l'impression de vous être pénalisé seul ?
Contre Rennes l'année dernière, je suis monté au créneau. C'était la 17e journée. Ensuite, en 21 journée, il y a eu une seule erreur d'arbitrage...

- Il faut vous souhaiter que ça se reproduise...
Voilà, c'est tout. Et si demain, je vous le promets, il y a un but hors-jeu qui nous donne la victoire, je serai le premier à le dire. Pour l'instant, ce n'est pas arrivé. Trouvez moi une action où c'est arrivé. Je ne demande pas à ce qu'on me croit sur parole. Ce sont des faits. 90% des problèmes, c'est qu'on ne marque pas assez de buts et qu'on prend des buts idiots. Les problèmes de jeu, il y en a 10%, mais 10% dans le football, ça fait +3, +4, +5 à la fin ou -3, -4,-5. Alors à Rennes, j'avais dit -10. J'avais exagéré. Mais en exagérant, j'ai attiré un peu l'attention. Nous sommes tous pour un monde juste. Et quand on sent qu'il y a une erreur d'arbitrage... Alors on peut jouer sur les mots.... Mais a-t-on le droit de considérer que certaines équipes peuvent se sentir lésées ? C'est ce que j'ai dit de l'OGC Nice.

Recueilli à Nice par Vincent COUËFFÉ
L'Equipe